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16/02/2008

Clermont 2008 – partie 4

Côté international, j'ai vu beaucoup moins de choses. J'ai surtout été séduit par Kilka prostych slow (Quelques mots simples), film polonais de la catégorie rapport mère/fille. Comme quoi c'est vraiment un problème de point de vue. L'histoire n'a rien de renversant. La mère jouée par Agata Kulesza a la quarantaine vigoureuse, bien dans son corps sinon dans sa tête, elle défend farouchement son autonomie, vendant en porte à porte des brosses qui massent la tête. Sa fille, jouée par la délicieuse Marlena Kazmierczak, chante admirablement mais est très introvertie, la tête sur les épaules, trop adulte déjà, quelque peu désolée de suivre les frasques de sa mère. Mais elle suit. Et sa mère, plantant ses loyers impayés, l'embarque pour une audition. Accident. La mère tombe sur un ex qui la dépanne et il a visiblement toujours quelque chose pour elle. D'où comédie et mélodrame. Pour la comédie il faut du rythme et la réalisatrice, Anna Kazejak n'en manque pas. Le film est construit avec rigueur et vivacité. Les deux héroïnes sont attachantes et on accepte volontiers, j'ai accepté volontiers, de jouer le jeu car, si je ne vous raconte pas la fin, vous pouvez la deviner sans peine. Pour le mélodrame, il faut de l'empathie. Ce qui fonctionne, c'est la délicatesse des portraits, l'épaisseur des personnages qui savent pourtant conserver une véritable légèreté. Le film est souvent drôle. Nous sommes loin du pathos de bien des films trop sages. Ce mélange d'humour et de drame agrémenté de sensualité et de dérision est assez caractéristique pour ce que j'en connais, de la comédie des pays de l'est. J'entends Jiri Menzl ? J'entends Milos Forman ? Oui c'est un (petit) peu cela.

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Je ne pouvais pas rater I love Sarah Jane (J'aime sarah Jane), le film de genre de la sélection réalisé par Spencer Susser. Du joli travail, très anglo-saxon. Dans un monde où les zombies se multiplient (miam), un jeune adolescent est amoureux d'une jeune fille à peine plus âgée. Joachim l'a très justement écrit, c'est le croisement de Georges Romero avec Larry Clark. Mais pas trop sexe quand même. Un groupe d'enfants comme dans la chanson L'empereur Tomato Ketchup vit en toute liberté. Ce sont les cow-boys et les zombies et tous les coups sont permis. Ils détiennent un père zombifié et résolvent le complexe d'oedipe de façon radicale. L'humour macabre est roi comme dans les fameux comics d'horreur. C'est gore. C'est à la fois carré et inventif, complètement, j'ose le mot, jouissif. Raison de plus pour regretter les ratages de la sélection française en la matière. Abattoir de Didier Blasco lorgne vers Lynch, Monstre (2) vers le vampirisme moderne mais ça ne marche pas.

Pour mémoire : Kolam (Piscine) de Chris Chan Fui Chnong, documentaire malais assez beau sur les enfants d'Aceh qui apprennent à vaincre leur peur de l'eau suite au tsunami. Giganti de Fabio Mollo, très italien, un peu trop convenu sur un portrait d'adolescent (soleil, mer, mafia). Waterfront Villa bonita, un film taiwanais de Yi-an Lou, étrange, parfois drôle mais un peu confus. Et puis Shake off, tour de force de Hans Beehakker autour d'une chorégraphie du danseur Prince Credell, impeccable.

Je reviendrais à l'occasion sur les sélections des prix du public, programmes qui m'ont donné l'occasion et voir ou revoir quelques bijoux du court métrage. Quel bon goût, ce public, ai-je écrit en préliminaire. Je confirme. Et je vous laisse avec ces quelques liens, si vous voulez partir en exploration sur la toile.

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Le site du festival

Voir L'idole aux mille reproches

Voir Tong (animation, sélection française)

Le site d'Alix Barbey

Un site sur Shake off

La bande annonce de I love Sarah Jane

Voir Procrastination (sélection internationale) chez Joachim

Des éléments du scénario de Irinka et Sandrinka

Photographies source : Filmpolski

14/02/2008

Clermont 2008 – partie 3

Lisa est sans doute le film le plus rond que j'ai vu cette année. Réalisé par Lorenzo Recio, déjà auteur d'un très beau L'âne, l'infante et l'architecte en animation, monté par Jean-Gareil Periot dont j'ai revu le 200 000 fantômes (j'y reviendrais), photographié par Dylan Doyle, c'est un bel objet. Cette histoire d'une petite fille défiant l'autorité d'un père violent est traité comme un conte fantastique. Noir et blanc de grande classe, absence de dialogues, plans très travaillés (ce qui ennuie certains) illustrant les visions poétiques et terrifiantes de la fillette. Autour de la vaste demeure isolée dans d'improbables années 50, nous sommes entre Alice au pays des merveilles et La nuit du chasseur. Impossible de ne pas y penser quand la fillette se réfugie au fond d'un terrier en compagnie de lapins blancs occupant le premier plan. Il y a des idées de cinéma et une très belle idée sur le cinéma à la fin. C'est très aboutit, maîtrisé, impeccable et en écrivant cela j'ai l'impression de desservir le film. Ne me croyez pas, c'est superbe.

Dans les films carrés, C'est dimanche ! De Samir Guesmi possède les même qualités que Viande de ta mère de Laurent Sénéchal que j'avais aimé l'an passé sur une thématique proche : sensibilité, humanisme et humour. Un jeune adolescent est viré de son collège et orienté en filière technologique. Son père, un travailleur immigré, se méprend sur le sens de la lettre qui annonce la nouvelle et croît à une bonne nouvelle. Fier, il va vouloir fêter ça et honorer son fils juste au moment ou le garçon vient d'obtenir de sa pulpeuse amie quelle lui montre ses seins « s'il fait beau dimanche ». Il fait beau dimanche et une implacable mécanique se met en marche. C'est très bien écrit, jouant sur deux ressorts de la comédie qui ont fait leurs preuves : la méprise et le suspense sentimental. C'est traité avec finesse, faisant affleurer des choses plus graves (l'éducation, l'entrée en adolescence, le rapport père-fils, tout ça) sans jamais sacrifier au plaisir du récit. Le film est surtout remarquable dans sa peinture des différents personnages secondaires comme celui du tailleur joué par Simon Abkarian ou la jeune femme joué avec intelligence par Elise Oppong. Ils ont un véritable espace pour exister. « Je n'ai pas l'air comme ça mais pour moi aussi c'est la première fois » dit-elle, révélant ses beautés. Film généreux, C'est dimanche ! est aussi un premier film.

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Très carré également, Nationale d'Alix Barbey. Trois personnages et un chien errent pour des motifs divers dans l'une de ces abominables zones commerciales qui bouffent la vraie campagne. C'est la veille de Noël et les quatre trajectoires vont se rencontrer dans un abri-bus battu par la pluie pour quelques minutes où vont se jouer l'illusion d'une famille. Un groupe dont la simple beauté va transcender la laideur de l'environnement. « C'est si simple l'amour » disait Garance. Douce ironie sans pathos. Le côté exercice de style empêche le film de surprendre vraiment, mais c'est de la belle ouvrage et Alix Barbey sait laisser suffisamment de choses dans l'ombre pour que l'on s'intrigue et que l'on entre dans son jeu.

Dans un registre plus inattendu, j'ai été sensible à Boulevard l'océan de Céline Novel. C'est une tentative plutôt réussie de comédie dans l'esprit de Tati et, comme je dis souvent, il y a de pires références. Une jeune femme en vacances au bord de la mer. Rituels d'une vie solitaire mais, pour une fois, pas désespérée. Assumée. Elle essaye vaillamment de faire décoller un sorte de cerf volant sophistiqué (si quelqu'un connaît le nom exact). Les dialogues sont réduits au minimum, la mise en scène rigoureuse et les cadres larges. Le montage inventif traduit les efforts de l'héroïne qui va attirer plus ou moins consciemment l'attention d'un touriste placide. Il y a de jolies choses comme le jeu sur les lumières de la résidence estivale. Céline Novel joue le rôle principal avec ce qu'il faut de retenue, de regard candide et d'expression lunaire. Mais déterminée.

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Irina et Sandrinka de Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Fink est une alliance assez excitante d'animation et de documentaire familial. Sur un entretien réalisé avec la grand mère de Sandrine Stoïanov, Irina (Russie, tsars, révolution, exil...), les réalisateurs composent un kaléidoscope mêlant diverses formes d'animation , une esthétique inspirée des graphistes soviétiques et l'incrustation d'images d'archives. J'ai cru reconnaître Octobre d'Eiseinstein. Il y a beaucoup d'idées dans l'animation et assez de rigueur dans le récit pour que cela dépasse l'anecdote ou l'exercice.

Alain Cavalier, le filmeur du Plein de super était en compétition avec Lieux saints, un documentaire étonnant sinon alléchant consacré aux toilettes, WC, gogues, cabinets, ouatères, chiottes, lieux d'aisance (parfois), bref aux petits coins si intimes même s'ils sont publics. Peut-on juger de la qualité d'une civilisation à la façon dont elle évacue les sécrétions naturelles ? Armé d'une petite caméra numérique, Cavalier explore avec méthode les cuvettes de ses amis, de bars et de restaurants, d'hôtels, errant sur les murs, s'attardant sur tel ou tel détail, allant jusqu'à faire un portrait très précis d'une simple vis. Sa voix chaude porte un commentaire plein d'humour. On sent son excitation à aborder ce sujet, le plaisir ludique à composer un film avec un matériau si réduit, la peur d'être découvert. Il arrive à jouer la contemplation, le suspense, la nostalgie et maintient l'intérêt pendant une bonne demi-heure. Vers la fin, le film prend une autre direction quand Cavalier nous fait visiter les toilettes de la maison de retraite de sa mère au moment de son décès. Le ton se fait grave et il passe quelque chose de poignant quand il cherche à retrouver, à se fondre dans le regard de la disparue. L'urgence à filmer la frise courant sur le mur est une interrogation muette. « Objets inanimé, avez vous donc une âme ? ». Mais Cavalier pirouette à la façon de Devos avec son peigne et enchaîne comme je l'ai écrit plus tôt sur un joli moment de philosophie existentialiste autour d'un mégot au fond d'un urinoir. Vanité de toutes choses.

En passant en revue mon programme, je me dis que c'était finalement pas mal. Éclectique en tout cas. Sans avoir trouvé véritablement un film qui me fasse monter aux rideaux, il y avait beaucoup de choses intéressantes. Comme chante Brassens, « chacune a son petit mérite » malgré les maladresses. Comme on ne nous montre pas facilement les courts métrages, guettez leur passage à la télévision où dans les festivals près de chez vous. Guettez Le vacant de Julien Guetta avec un beau rôle pour François Stevenin, Les illusions de James Thierrée, documentaire original sur les derniers jours du spectacle La symphonie du hanneton, Pourville de Juliette Baily et Les secrets de Tony Quéméré deux films de famille dans des registres différents, Tony Zoreil de Valentin Potier, comédie pour vulcains, et puis encore Comme tout le monde de Franco Lolli, un peu trop léger pour un grand prix mais bien fichu dans la catégorie rapport mère-fils. Et puis ceux que j'ai raté et ceux que je n'ai pas aimé. Je vais vous donner des liens.

(à suivre)

Photographie : C'est dimanche ! site france 3 et Boulevard l'océan site les 400 coups

12/02/2008

Clermont 2008 – partie 1

De retour depuis mercredi soir et ça me semble déjà loin. J'ai eu beau temps et, le dernier soir, j'ai mangé une délicieuse tartiflette avec un feuilleté aux myrtilles au St Vincent, juste dessous la cathédrale. Retenez l'adresse. J'ai vu des amis, nous avons parlé cinéma, rien que cinéma, je ne savais même pas que notre président s'était marié. J'ai rencontré Joachim du blog 365 jours ouvrables. De tous ceux que je lis et avec lesquels j'échange régulièrement depuis trois ans, il est le premier que je rencontre « en dur ».

Clermont, c'est aussi l'occasion de prendre la température d'un petit monde, celui du court métrage en France. Monde de réalisateurs, d'associatifs, d'organisateurs de festivals, de petits producteurs, d'éditeurs. Un petit monde fragile dont l'inquiétude était palpable. Il faut dire qu'il y a de quoi avec les récentes coupes au sabre clair dans les budgets des DRAC (Directions Régionales des Affaires Culturelles), les bras du soutient de l'état dans les régions. Cette politique qui met en avant l'évaluation, la rentabilité, les indicateurs, l'étude de risque pour en prendre le minimum avec deux aspirines, a braqué tout ce petit monde contre elle. Manifestation le 11 janvier dernier, réflexions tout azimut pour une riposte appropriée. Hélas ce milieu de feignants gauchistes est le dernier des soucis de la merveilleuse ministre la culture, bien cadrée par une lettre présidentielle. Des résultats, c'est tout ce que l'on vous demande. « Lesquels ? » insistent les feignants gauchistes naïvement. Ca me rappelle les échanges à la fin du premier film de la série Indiana Jones. Silence distant sur toute la ligne. Du coup, j'ai trouvé l'ambiance un rien crispée cette année.

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Clermont, ce sont donc les films, oui, les films. Des courts métrages uniquement, malgré la sélection de plusieurs films approchant de l'heure. J'ai vu 14 programmes, 8 français et 3 internationaux, 2 de l'excellente rétrospective consacrée aux prix du public (quel bon goût, ce public), et 1 de la carte blanche à Château Rouge productions dont je ne dirais rien par charité. Il paraît que l'autre est mieux. Vu l'impressionnante quantité de films présentés, c'est un peu court pour en tirer des généralités, d'autant que l'équipe de Clermont, qui fêtait cette année les 30 ans du festival, essaye toujours de balayer un large spectre de la création du moment. Cela conduit parfois à des sélections déroutantes ou étonnantes.

Deux-trois choses, pourtant, qui m'ont frappé.

La présence de la cigarette dans les films. Je ne sais pas si cela était dû aux récentes interdictions, on fume beaucoup dans le cinéma, mais il semble que les scénaristes ont du mal à faire faire autre chose à leurs personnages que s'en griller une. Deux films en font même leur sujet principal dont le joli L'idole aux mille reproches, film d'animation de Jérémie Gruneau. Une sorte d'Alice au pays de la nicotine bourré de trouvailles visuelles. Même Alain Cavalier, réalisant avec Lieux saints un documentaire inattendu sur les toilettes, le termine par un morceau de philosophie inspiré par un mégot au fond d'un urinoir. Scénaristes, un effort !

Le monde ouvrier. Je ne comptais plus les personnages de soudeur, docker, manoeuvre, employé d'abattoir ou de la confection. Il y a une véritable fascination pour ces métiers souvent virils et pas faciles, associé à une vision sombre, sombre, de notre beau pays aujourd'hui. Il y a pourtant des occupations autrement plus exaltantes pour égayer un film comme trader à la Société générale, archéologue aventurier, révolutionnaire au Mexique ou candidat aux municipales. Une jolie exception, même si le film termine en queue de poisson, Le silence des machines de Paul Calori et Kostia Testut avec sa tentative de comédie musicale en usine. Scénaristes, encore un effort !

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Le retour à la terre. J'y vois l'influence (réelle ?) de l'importance des régions dans le financement du court métrage. On a suffisamment critiqué le côté parisien de nombre de films pour je n'ironise pas sur les papiers peints d'époque, les fermes pas finies, les meubles qui craquent, les sous bois humides et la lourde terre des champs. Scénaristes, enfin, voyez l'utilisation intelligente du « no man's land » entre campagne et zone commerciale dans Nationale de Alix Barbey et, par pitié, assez de stations services. Elles ne sont définitivement plus des substituts aux relais de diligences de nos chers westerns.

Côté sujet, le rapport père-fils tient la corde, suivit par le rapport père-fille et le rapport mère-fils (Grand prix cette année). Non-dits, temps du bilan, remises en questions, incommunicabilité, lourd secret de famille sont les moteurs de ces fictions et parfois de documentaires en forme de journal intime. Parfois, ça marche, tout est une question d'angle comme dans Lisa de Lorenzo Reccio. Mais souvent, oui souvent...

Côté mise en scène, le plan des trois quart dos sur la nuque et l'oreille du personnage au volant de sa voiture gagne haut la main le prix du poncif. Avec ou sans cigarette. J'imagine que ce n'est pas facile de trouver un bon angle dans une voiture, mais l'oreille n'est pas un organe très expressif, sauf dans Tony Zoreil, la charmante comédie de Valentin Potier (sans d'ailleurs aucun plan dans une voiture). J'ai l'air de plaisanter comme ça mais il y a des impressions tenaces.

(à suivre)

Photographies : L'idole aux mille reproches : le Cohlporteur et Nationale © Michael Crotto

02/02/2008

Rituel

Comme chaque année, je pars quelques jours au festival du court métrage de Clermont Ferrand. On va voir des films, boire des coups et claquer des dents et puis voir encore des films. Je vous raconte quand je reviens. J'aime beaucoup leur affiche cette année, les couleurs surtout. Cliquez dessus pour découvrir le site du festival.
 
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19/02/2007

Clermont 2007 seconde partie

La jeune actrice Sophie Quinton était dans le jury national de cette édition et je suppose que c'est l'une des raisons qui ont fait que son dernier film, Dire à Lou que je l'aime réalisé par Hedi Sassi, a été présenté dans un programme régional. J'ai bien espéré la croiser tout au long de ces quatre jours, mais en vain. Le soir de la clôture, comme nous étions au balcon, je ne l'ai vue que de très loin, comme vous pouvez le constater sur la photographie de la note précédente. La petite forme blanche au milieu, c'est elle. Bon, ceci dit, je suis très content d'avoir pu compléter ma filmographie de l'actrice, et je suis ravi qu'elle continue de s'investir dans le court métrage. Avec Hedi Sassi, elle avait déjà fait Mitterrand est mort en 2003 et les deux films sont assez proches, des films de taiseux, avec un rythme lent, les mêmes défauts et les mêmes qualités au premier rang desquelles il faut mettre la capacité de Sophie Quinton à faire immédiatement vivre un personnage. Il y a quelque chose chez elle qui me fait penser à Sandrine Bonnaire, quelque chose qui la rend proche, naturelle et passionnante dans les plus simples des gestes. Ici, elle est une jeune femme qui passe Noël avec son père et se rend compte, petite à petit, que celui-ci est atteint de la maladie du « sieur Alzeimer ». Comme le précédent film de Hedi Sassi, c'est la description d'un rapport difficile entre un homme agé et une jeune femme, entre deux générations. C'est aussi un cinéma un peu trop sage, très classique dans sa forme, qui repose surtout sur les regards et les attitudes des personnages. Un cinéma qui manque un peu d'ambition purement cinématographique.

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Tout le contraire du film suédois qui a été primé cette année, Le dernier chien du Rwanda (Den sista hunden i Rwanda) de Jens Assur. J'aime beaucoup cette phrase de je-ne-sais-plus-qui (Godard peut être) qui dit que le court métrage sera véritablement considéré le jour ou on ira voir un film de dix minutes comme on va voir un film de deux heures. Même si je remarque que dès l'origine les courts métrages ont été regroupés en programmes pour le public, il y a encore trop de personnes (voir les commentaires de la note précédente) qui considèrent le court comme un genre en soi, qui disent « je vais voir des courts » comme je dis « je vais voir des westerns ». Le film de Jens Assur est un parfait contre exemple dans la mesure ou il réussi sur trente minutes là ou Hôtel Rwanda de Terry Georges ou Shooting dogs de Michael Caton-Jones échouent en deux heures sur l'écueil de la bonne conscience et de l'indignation convenue. Le dernier chien du Rwanda met en scène un photographe de guerre, David, qui a choisi ce métier par fascination pour la guerre et la violence. Une fascination qui remonte à l'enfance. Comme il le dit en introduction, sa guerre préférée, c'est celle du Rwanda, préférée comme on le dit d'un restaurant. A travers ce personnage hautement antipathique, c'est toute une attitude de l'occident qui est explorée. Il n'y a ni grand discours indigné, ni tentative de vulgarisation, le film se suffit de suivre David qui se ballade avec un gilet pare-balle par plus de trente degrés et, dans un petit passage emblématique, évite discrètement de boire dans une bouteille utilisée par un rwandais. La violence sèche du film est autant dans la lourdeur de l'atmosphère (tournage en Afrique du Sud) que dans les comportements. C'est un premier film et la maîtrise de Jens Assur est impressionnante : construction en flash-back, ellipses hardies, humour sarcastique et une façon de se situer par rapport aux scènes violentes qui glace. La portée du film dépasse son strict cadre historique pour faire le portrait de l'arrogance ordinaire.

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Une chose qui me frappe toujours dans la sélection internationale, c'est la qualité de certaines interprétations. Il y a peut être un effet du au langage, le fait que l'on a le meilleur des films de chaque pays, mais le fait est là. Il y a en international des performances extraordinaires. Jonas Karlsson dans Le dernier chien du Rwanda est un bel exemple, mais je citerais volontiers les actrices de Pluie saisonnière (Temporal) réalisé par Paz Fabrega : Sara Fischel et Annette Aguilar. Elles jouent deux jeunes filles du Costa Rica qui voient partir leurs amis pour l'université et la grande ville. Partir, rester, c'est un peu Américan graffiti ! Le film est très sensuel et les deux actrices jouent de physiques singuliers pour camper les deux adolescentes. Sara Fischel en particulier, avec une petite voix rauque et un corps menu, semble à peine sortie de l'enfance. Dans un tout autre registre, il y a le Vanya de Hannes Kaljujärv dans Vanya sait (Vanya Vet) du suédois Fredrik Edfeldt, un personnage haut en couleurs, mythomane de grande classe, immigré ukrainien en charge d'une sorte de halte garderie et dont l'histoire, l'histoire officielle, douloureuse et secrète, comme les nombreuses histoires à base de vantardise, de poésie et de sexe qu'il passe son temps à raconter, forment le récit d'un jeune garçon devenu écrivain. Il y a encore le duo Peto Menahem et Juan Carrasco, le vétérinaire et son client singulier dans Le perroquet (El Loro) de Pablo Solarz, comédie argentine casse-gueule puisque l'un des personnages est atteint de troubles neurologiques. Mais ça fonctionne. Même dans des films plus moyens, péchant soit par la mise en scène, soit par les moyens engagés (le problème de la vidéo dont je parlais plus haut), les interprétations sont souvent de très bon niveau.

Je terminerais avec quelque chose que j'aime beaucoup dans ce festival, c'est la part du hasard. Pour moi, il fait bien les choses. Ainsi, quelques heures avant la clôture, nous nous sommes retrouvés dans l'un des programmes hommages aux réalisateurs polonais Piotr Kamler et Zbigniew Rybczinski. Nous étions partis sur l'idée de voir le fameux Chronopolis réalisé par le premier en 1982 et de nous éclipser discrètement pour rejoindre le grand auditorium avant L'orchestre du second. Je dois avouer que Chronopolis a beau être visuellement superbe, je m'y suis ennuyé ferme. Je ne sais pourquoi, au moment de se lever, j'ai eu la flemme, et nous sommes restés. Coup de bol, ce fut une splendeur ! L'orchestre est un très grand film, une oeuvre musicale et expérimentale comme un grand tourbillon, un immense mouvement qui emporte, le mouvement de la vie et de l'Histoire, plein de grâce et de musique, de danse et de belles femmes, de politique et de philosophie, d'humour et de magie. Magie, oui, c'est le mot, la magie du cinéma.


Quelques films de Cette édition 2007 :


Volatiles (Birds) de Pleix de Prix du public, catégorie labo

Tygre (Tiger) de Guilherma Marcondes, prix de la presse


Photographie Temporal : Silvia Villalta/Max Myers

Photographie Le dernier chien du Rwanda : Kamerabild 

14/02/2007

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12/02/2007

Clermont 2007 première partie

Cela a commencé un peu laborieusement. La traversée du massif central s'est faite dans le brouillard puis nous nous sommes perdu pour trouver l'hôtel. Ensuite nous avons raté l'heure de l'apéro, moment sacré de la journée où se nouent tant de contacts. Parce que Clermont, j'y vais aussi pour mon association et une partie de mon temps est consacré à rencontrer des gens, revoir des amis et discuter de projets que l'on pourrait monter ensemble. Clermont me donne une grande part de l'énergie qui m'anime tout au long de l'année. Bref, le badge autour du cou, les choses sont vite rentrées dans l'ordre. Nous avons retrouvé nos amis sommes rentrés dans le vif du sujet avec la programmation de l'Etrange Festival, proposée par Frédéric Temps. Un joli programme pour se mettre dans le bain, moins trash et sexe que d'ordinaire, plus orienté vers le fantastique, le burlesque et l'expérimental. C'était partit.

Il serait un peu présomptueux de vouloir donner une vue d'ensemble de cette édition 2007 du festival de Clermont-Ferrand. Il y a là-bas tant de films à voir et tant de choses à faire. Pour utiliser un mot prisé par les lecteurs de Télérama, je trouve jubilatoire de passer ainsi par autant d'univers différents, autant de styles, autant de propositions (ou d'absence de) de cinéma. Au bout d'un moment me restent quelques sentiments tenaces, le goût de l'année.

De 2007 je conserverais une petite irritation face à la tendance pseudo sociale de certains courts métrages français. Mes lecteurs savent combien j'apprécie Loach ou Tavernier, mais cette façon de plaquer une scène d'usine pour montrer que l'on a bien caractérisé son personnage, qu'il est bien ancré dans une réalité sociale et économique finit par me gonfler un petit peu. On sent l'acteur appliqué, mais ça sonne faux. Dans un registre proche, un film comme Trente ans de Nicolas Lasnibat, de la FEMIS, tombe complètement à plat. Pourtant, avec un sujet pareil, l'histoire d'un homme qui revient au Chili trente ans après la dictature pour récupérer les ossements de sa femme exécutée, il y aurait eu matière à. Hélas, pendant la scène censément poignante ou il dispose les os sur le lit, je pensais qu'il aurait fallu un Lynch, une vision, une plongée dans l'esprit de cet homme, quelque chose de dérangeant et pas une performance bien propre. Heureusement, plusieurs films ont su dépasser les clichés en vigueur et, bien que les deux pieds dans la réalité, ont su la transcender pour faire vivre autre chose que des illustrations de thèses. L'humanisme de La leçon de guitare de Martin Ritt ou du grand prix, Le Mozart des pickpockets de Philippe Pollet-Villard, est heureusement renforcé d'humour, de poésie, d'habiles réminiscences du Kid de Chaplin ou de grands moments de la comédie italienne. De la même façon, Nyaman' Gouacou viande de ta mère de Laurent Senechal contourne les clichés attendus sur une histoire qui pouvait faire frémir : femmes immigrées, banlieue, adolescente en crise. Heureusement non, les deux actrices, justement récompensées, Fanta Touré et Manga Ndjomo sont toujours justes et nous avons d'abord à faire avec une mère et sa fille avant deux femmes d'origine africaine. Le petit drame raconté sur une journée atteint vite une portée universelle et les rapports souvent difficiles entre les êtres sont toujours allégés de touches d'humour. Les visages sont filmés avec tendresse et le montage rigoureux. Mieux, il y a une véritable attention portée aux seconds rôles comme le délégué de la classe immédiatement crédible avec une réplique inattendue. Vous aurez compris que c'est le film français qui m'a le plus touché cette année.

Année après année, le cinéma d'animation confirme son importance tant au niveau de la qualité que de l'ambition. A Clermont, j'aime assez cette abolition des frontières qui préside aux programmations. Bien qu'il y ait une section Labo spécifique au cinéma expérimental, on retrouve la fiction classique, le documentaire, l'animation, la vidéo et la pellicule brassés sans plus chercher à regrouper des familles. Exemplairement, Mon amour (Moya lyubov) de Alexander Petrov est une fresque animée romanesque sur les amours d'une jeune homme pour deux femmes, l'une, sa jeune bonne et l'autre son énigmatique voisine. Nous sommes en plein XIXe siècle et dans la grande littérature russe. Nous sommes aussi, par la grâce d'une technique virtuose, plongés dans les délire de son imagination adolescente, autant de visions éclatantes et colorées, séduisantes comme celles du Dr Jivago de Lean. Je reste plus partagé sur l'utilisation de la vidéo. Autant nombre d'oeuvres numériques sont de toute beauté et/ou savent utiliser avec inventivité les ressources de la technique, autant plusieurs films sont d'une laideur à faire peur et trahissent, sinon leur manque de moyen, du moins des histoires intéressantes. Quel gâchis parfois. Au passage je note avec tristesse la pauvreté des films africains francophones, pauvreté au sens littéral du mot. Une exception éclatante, le documentaire musical et engagé Foniké ("jeune" en langue soussou) de Jérémie Lenoir, un film qui met en scène les rappeurs de Conakry en Guinée, un télescopage avec l'actualité de ce pays qui n'en peut plus de la misère, de la corruption et du manque de tout. Un pays qui crie sa rage dans la rue. Le film, écrit par une caméra très mobile, est composé comme un tourbillon qui happe et fascine, ramenant la musique à ses origines tant géographiques que sociales. Moi qui n'ai guère d'affinité avec le hip-hop, j'en suis resté cloué.

(à suivre)

Le site du film Foniké

Palmarès 2007

30/01/2007

Courts métrages en Auvergne

Clermont Ferrand, son riant climat, son nouveau tramway, sa place de Jaude, la chaleur de ses habitants et son festival incomparable du court métrage. Demain matin, je prends la route pour aller y passer quelques jours. Promis, je vous raconte à mon retour.

 

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27/01/2005

Courts métrages


Je vais partir quelques jours pour le grand évènement annuel en matière de courts métrages : le festival de Clermont Ferrand. Cette manifestation, j'adore y aller ! C'est tellement plus agréable que Cannes, ses vigiles et ses castes. Là, pas de problème pour aborder un réalisateur dans la rue, il est presque aussi peu connu que vous.

Et puis, le court, c'est riche. Voir dix films en deux heures, c'est chouette. Mis à part les deux sélections, française et internationale, il y a du numérique, de l'animation, des rétropectives (Truffaut l'an dernier, très belle), des programmes spéciaux, parfois incroyables, bref, de quoi s'occuper toute la journée et la soirée. Ensuite, place aux afters...

Clermont existe depuis plus de vingt ans et ils ont fait énormément pour la reconnaissance du court. Malgré les critiques, comme la polémique de l'an dernier, cela reste le meilleur endroit pour découvrir les auteurs à venir du monde entier. Les programmations ont lieu dans toute la ville, toutes les salles, les amphis des facultés, les cinémas du centre et de la périphérie. C'est la fête.

Et puis, les gens sont agréables et compensent en chaleur humaine le froid qui peut être, en janvier, redoutable.

Les dates de cette année : 28 janvier - 5 février

le site